N'oublions jamais que derrière le sweat éponge à capuche diforme, sommeille (et je vous assure que le choix du verbe est judicieux...) le coeur candide d'un éternel enfant, la casquette vissée sur leurs douces illusions précaires, la visière, tout comme leur ambition, mise de côté, venant dissimuler leur regard, deux billes écarquillées, tel une portée de chiots naïfs, ignorants leur terrible destin, charentaises pointure 42, empalés sur les pieds de quelques bourgeois avides d' affection (eux aussi après tout ...).
Ils ont pourtant entre 17 et 20 ans , et à l'échelle de la pilosité il en sont à 7,5/10 ce qui les rapproche davantage de l'adulte que du crustacé. Mais voyez ces doux poupons qui agitent leur neurone (oui oui au singulier) comme un hochet-babar, ils sont si vulnérables finalement, effrayés par les choix qu'ils doivent prendre, caressant le doux souvenir nostalgique où la seule décision qui était de rigueure était: "je reprends une cuillerée de purée où je fais dans ma couche ??" (la vie étant un éternel recommencement, ce genre de préoccupation revient avec le grand âge ...) Alors forcément tout est prétexte au jeu , mais c'est plein d'une innocente énergie qu'ils confondent allègrement Bac pro et bac à sable . Malheureusement le regard mi réprobateur, mi complice du parent découvrant la passion de son fils de 4 ans pour l'expression murale à grands coups de feutres sur le mur immaculé du salon, a cédé la place au regard désabusé du prof face à une peinture rupestre en plein couloir représentant une caricature de mauvais goût d'un collégue pénétré par autre chose que sa soif d'enseigner.
De grands enfants je vous dis! Lorsque je descends les chercher dans la cour, l'âme vaillante, la vocation aiguisée et la pédagogie exacerbée, il n' est pas rare, pour dire fréquent, pour ne pas dire souvent ( et pour gagner une ligne ...), que je me heurte à leur envie ludique de doux cherubins. S'en suit en règle générale une grande partie de cache-cache dans laquelle de manière aussi immuable qu'un vendredi brandade à la cantine, c'est toujous moi qui colle !! Alors je m'époumonne, mon regard leur court après . Ils sont bourrés (oui ça arrive) de créativité, j'en chope un suspendu au panier de basket, deux accroupis au milieu d'un troupeau de seconde, trois juste devant moi tête baissée, la capuche jusqu'aux genoux, "Kévin, je te voie ... allez! puisque je te dis que c'est pas parceque t'es habillé en rouge que je vais te confondre avec l'extincteur!!" " Mais oui t'étais bien caché..." . Alors clopin clopant, on monte en classe, il trainent derriére eux leur motivation et leur sac, pour ceux qui ont pensés à les prendre...
Mais leur inhibition n'est que de courte durée. Ce n'est pas une banale salle de classe qui s'offre à leur yeux scintillants d'ingénuité, c'est un véritable tapis d'éveil de 30 m2. C'est une cascade de texture, du formica au PVC en passant par le crépi, une avalanche de couleur, le beige terne des murs, le jaune pisseux de l'armoire, le gris blafard du carrelage renvoie le bleu électrique de la porte, c'est une véritable débauche visuel!! Tout est affaire de découvertes de son environnement, d'expérimentation multiples, de rencontres tactiles. Les interupteurs rencontrent toujours un franc succès, les élèves s'y complaisent avec frénésie faisant passer le Puy du fou pour un stand de fête forrainne; le tableaux est une attraction indémodable, si on peut dessiner un bite au passage, ça mange pas de pain et c'est toujours du plus grand effet; ils explorent alors la sphère musicale expérimentale, sonate pour règle métalique, tringle à rideaux et pieds de chaise en mi mineur.
Et moi, ému de toute cette innocente candeur, de ces jeux d'enfants à coups de cuter, de cette fraîche insouscience, de cette soif de vie et de découverte, je ne trouve rien de mieux que de sortir de mon armoire feutres et crayons multicolors, craies grasses et tubes de peinture chatoyants.
Je sais je les gâte trop!
" Ne vous jetez pas sur les gommettes, y en aura pour tout le monde!"
"Kévin mâche bien ton p'tit écolier avant de finir ta brique de lait!"
Pffff !Faudrait pas qe ça grandisse!!
8 commentaires:
ahlala
les bacs à sable... bien joué dans les jeux de mots, très bel article, très illustré! comme j'aime!
et ils redécorent tes murs avec les craies grasses? parce qu'un 4ème a tenté de faire ça hier et un autre a balancé un tube de colle au plafond.
on les trouverait presque mignons... si ils faisaient pas si peur !!
ta plume est vraiment splendide en tous cas, je n'aime que les jeux de mots de Monsieur D. et pas de fausse modestie, il flotte dans l'coin...
les images, la poésie, l'élévation du sujet... j'aime tout !!!
@ Emi: je veille aux grains, les murs ne sont pas encore sinistrés, mais tout de même, nous regrettons tous bien évidement la terrible disparition du sweat blanc de Kévin, fauché en pleine gloire par une volée d'encre de chine ... qu'il repose en paix...
@ Nell: Quel compliment! Monsieur D.! Et bien que ma modestie n'est d'égal que mon égo démesuré, je ne peux m'empêcher de te donner un peu raison ... MErki beaucoup!!
Dit comme cela, on aurait presque envie de les retrouver ces élèves !!
Je me suis fais taguer, et maintenant c'est moi qui vient de te taguer.
Viens sur mon Blog pour connaître la règle du jeu ! Qui consiste aussi à nous faire connaître les uns aux autres.
@tte.
hum il s'est vraiment fait accrocher au panier de basket? j'adore ta maniere d'écrire!
hum il s'est vraiment fait accrocher au panier de basket? j'adore ta maniere d'écrire!
"d'un collégue pénétré par autre chose que sa soif d'enseigner." juste GRANDIOSE :D
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